Quand c’est ma fête, je ne fais pas la fête

Je me demande ce que peut bien ressentir, en ces heures festives où il est de bon ton d’afficher bonne humeur et empathie avec ses semblables, le cheval entravé dans son box par un propriétaire indélicat, cupide, brutal ? Il rêve de galoper, libre, avec l’horizon pour seule limite. Il entend que l’on respecte son identité et sa nature. Il aspire à manger à sa faim. Et, si possible, à aimer et être aimé (à tout le moins à n’être point menacé ou agressé). En clair, il voudrait vivre sa vie de cheval... ailleurs. Loin des fâcheux qui la lui pourrissent.

Je soupçonne que nombre de femmes et d’hommes soumis à l’obligation de perdre leur vie à la gagner éprouvent pareil sentiment. Qu’ils considèrent leurs geôliers – le pitre vulgaire Hanouna, le crétinisateur en chef Zuckerberg, le chef des commerçants et des voleurs Mercure (et ses bras armés : la grande distribution qui nous inocule la fièvre acheteuse à grand renfort de trompeuses réclames), le valet des ploutocrates Macron qui nous exhorte à travailler, gagner, dépenser, recommencer... sans fin – comme indélicats, cupides, brutaux. Talk shows et réseaux sociaux débiles abrutissent, pour mieux aider la mondialisation néolibérale à nous « marchandiser » et nous esclavager. A nous déclasser et appauvrir. A nous faire les poches (péages, taxes, amendes, examens et contrôles obligatoires et coûteux...) et nous priver des revenus de notre travail. A nous gâcher la joie de vivre. A nous piéger et nous enfermer. A nous filer le blues.

Je crois que le cheval et l’homme, l’un et l’autre tourmentés par les imposteurs qui prétendent incarner l’élite de la planète, inclinent aujourd’hui à distance prendre avec le programme du jour imposé à tous : faire la fête.