La politesse du désespoir

L’écrivain-voyageur de droite Sylvain Tesson a confié : « je préfère la liberté à l'égalité, l'expérience individuelle à l'expérience collective, le passé à l'avenir ». Pas mieux.

Toux ceux qui souscrivent à cette déclaration sont-ils pour autant de droite ? Que nenni. Pourquoi ? Parce que, en filigrane de la soif de liberté, apparaît la méfiance à l’adresse des partis et même l’urgence de ne pas s’engager, de ne pas sacrifier son indépendance d’esprit. Merde aux étiquettes. Et puis, disons-le. On peut partager, avec la droite, différentes valeurs traditionnelles comme la famille. Mais on peut tout aussi bien partager avec la gauche un lot hétéroclite d’exécrations : pour l’oligarchie, la ploutocratie, la mondialisation néolibérale, le conformisme bourgeois, la judiciarisation de la société, la politique politicienne, la technocratie, la modernité, l’urbanisation, la malbouffe, les bigots, la crétinisation des masses par Zuckerberg et Hanouna...

 

Le propos de Chien Gentil (ni de gauche, ni de gauche donc) vise moins à dénoncer les scandales qu’à s’en gausser avec des bons mots. C’est sans doute tout ce qu’on peut faire...

 

En effet, la caution morale du PAF (Elise Ness ou Eliot Lucet, archétype français de l’incorruptible journaliste) qui fait œuvre d’utilité publique dans la petite lucarne (France Télévision, la voix de maître Macron) désigne chaque semaine sur l’agora télévisuelle des affreux qui violent impunément les lois. Des Thénardier peuvent, par exemple, louer quelques mètres carrés insalubres à de pauvres gens pour plus de 400 euros mensuels. Que fait la police ? Rien. Chaque semaine, le Président (et son administration) juge urgent de ne rien faire. Cette indifférence à la souffrance du peuple révèle, si besoin était, en quel mépris l’élite tient le vulgum pecus.

In fine, le travail remarquable qui alerte l’opinion sur la violence sociale faite aux perdants de la mondialisation néolibérale ne sert à rien d’autre qu’à donner un argument à ses bénéficiaires : « la presse est libre ». Oui,  mais elle ne sert à rien.

 

Question à deux balles... Si « l’humour est la politesse du désespoir » (Chris Marker) c’est aussi, dans un contexte où les puissants verrouillent tout, la consolation des impuissants. What esle ?